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Comment expliquer une chute brutale du TB de 4 points ?

© CLAUDIUS THIRIET

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QUESTION D'ÉLEVEUR

Huit jours après un changement de fournisseur d'aliments, le TB du tank a chuté de 4 points (38,5 à 34,5). La production et le TP sont restés constants, voire ont légèrement augmentés. On a beau me dire que ce n'est pas de l'acidose, je me demande si mes vaches sont en bonne santé.

LA RÉPONSE DE L'EXPERT YVES DEBEAUVAIS, VÉTÉRINAIRE ET PÉDICURE BOVIN EN HAUTE-SAVOIE

« Il peut s'agir du syndrome de dépression de la matière grasse du lait. En cause : une quantité d'acides gras insaturés trop importante dans la ration et un rumen qui ne fonctionne pas à son optimum. »

Le syndrome de dépression de la matière grasse du lait (SDMGL) est maintenant bien connu des Américains (Low Milk Fat Syndrome). Les acides gras (AG) du lait sont issus de deux phénomènes bien distincts. Les AG courts (16 atomes carbones ou moins) sont synthétisés par la mamelle, à partir de l'acétate (C2), l'acide gras volatil le plus abondant dans le rumen. Les AG longs (18 carbones ou plus) sont prélevés dans le sang par la glande mammaire. Ils proviennent soit de l'alimentation, soit de la mobilisation des graisses de réserve. La majorité des AG du lait sont des AG saturés (complètement hydrogénés), soit directement lors de leur synthèse mammaire (AG courts, C16 et moins), soit lors de leur passage dans le rumen (AG longs alimentaires, C18 et plus).

• Lorsqu'on distribue aux ruminants des graisses insaturées (chaîne des carbones non saturée en hydrogène et présence de « double liaison » chimique), le milieu ruminal provoque la saturation quasi complète de toutes les doubles liaisons. Selon les quantités respectives de certains acides gras insaturés (AGI) dans la ration, et si le rumen ne fonctionne pas de façon optimale (fermentations ruminales altérées), la saturation progressive de ces AGI dans le rumen produit des intermédiaires « anormaux » ou AG « trans », dont la molécule a une forme différente de celle des AG « naturels » ou « Cis ». Ces AG trans sont de puissants inhibiteurs de la synthèse des AG courts dans la glande mammaire. Résultat dans le lait : un peu plus d'AG longs, en rapport avec les apports alimentaires, mais beaucoup moins d'AG courts, moins synthétisés. Cela explique que la quantité totale de matière grasse peut baisser de façon importante, et le TB chuter autour de 30 g/l.

• L'AGI le plus impliqué dans le SDMGL semble être l'acide linoléique (C18 : 2 _ 6). Il est présent dans tous les fourrages ou concentrés, en quantité variable. Le maïs en contient plus que l'herbe sous toutes ses formes ou les autres céréales en l'état. Les drèches et autres sous-produits de distillerie peuvent en contenir des quantités importantes (73 g au kg de MS). Les connaissances récentes font état de SDMGL possible dès 200 g par jour d'acide linoléique et d'une chute de TB quasi certaine à 250 g/j. Si votre ration comporte, entre autres, du maïs grain, sec ou humide, et que votre nouveau fournisseur incorpore des drèches, de l'huile de soja, d'autres produits riches en graisses insaturées, en remplacement des tourteaux par exemple, il est possible que les apports quotidiens dépassent le seuil fatidique. Un peu d'instabilité ruminale sur la journée (aliments acidogènes, distributions peu nombreuses, fibrosité insuffisante, tri…) et la chute du TB est inexorable !

MON CONSEIL : la stabilité des fermentations ruminales étant assez difficile à obtenir dans la plupart de nos systèmes d'alimentation (mais ça n'empêche pas d'essayer de l'améliorer), calculer la quantité d'apport journalier d'acide linoléique avant toute chose. Jouer ensuite sur les incorporations d'aliments moins riches en AGI si vous êtes au-dessus du seuil de 200 g de C18 : 2 _ 6.

© CLAUDIUS THIRIET

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